Indigo Jane est comme le monstre de Frankenstein : une créature hybride de membres recousus à qui nous avons a donné vie et qui s’est émancipée de ses créateurs pour venir hanter nos imaginaires. Indigo Jane n’a pas de réalité historique et pourtant depuis que nous l’avons nommée elle vient nous chuchoter son histoire à l’oreille.
Une histoire de femme géniale née dans un milieu aux mœurs bien définies, à une époque où il était inconvenant de se livrer sans un minimum de retenu. Indigo Jane est une enfant différente, chez qui l’on diagnostiquerai peut-être aujourd’hui une forme d’autisme. Elle grandit avec cette particularité : elle voit les sons, elle les ressent, ils sont la porte par laquelle elle pénètre toute entière dans un monde de sensations qui diffère tout rapport social. Le piano sera son premier ami, la monture avec laquelle elle explorera cet univers pictural et sonore.
Le spectacle « Indigo Jane » est conçu comme une biographie collective inspirée des grandes figures féminines des siècles passés: Emilie Dikinson, Melbonis, Camille Claudel, Virginia Wolf, Nadia Boulanger, George Sand… Ces artistes qui ont dû pousser comme la mauvaise herbe entre les dalles de l’ordre établi. Ces femmes se sont émanciper du jugement d’une société conservatrice qui ne leur accordait qu’une place de second plan.
Nous avons imaginé l’enfance d’une de ces figures de proue de l’ère de la femme, une enfant particulière à la sensibilité exacerbée.
Sur scène Indigo Jane adulte est à son piano, de grands tableaux vierges sont suspendus et un auteur dessinateur de bandes dessinées arpente le plateau. Il mène des recherches et se questionne sur la destinée de cette artiste peu connue qui aura rencontré sur le tard une forme de reconnaissance mitigée de son génie. Il croque il gribouille il rature. On voit apparaître la petite fille qui grandit dans une propriété du York Shire en Angleterre. On essaie de lui inculquer les fondements d’une éducation bourgeoise mais elle est comme une pièce rapportée dans le puzzle d’une société dont elle ne comprend ni les enjeux ni les règles. On lui impose la pratique du piano qu’elle voit tout d’abord comme un monstre gigantesque prêt à lui dévorer les mains, ce même monstre qu’elle va apprivoiser et qui deviendra son espace de liberté.
Alors, il y avait sa grand-mère. La grand-mère de Jane. Elle passait toutes ses journées enfermée dans son salon de musique à jouer du piano. Quand Jane était toute petite, elle venait en rampant gratter à la porte de sa grand-mère. Elle passait tout son temps sous le piano. Elle regardait les notes, les sons, la musique prendre forme sur le fond du piano.